Coder en anglais, un réflexe évident ?

22 décembre 2015humeur, developpement, anglais
 Cet article a été rédigé il y a plusieurs années et peut ne plus être tout à fait à jour…

J’entends souvent dire – et je dis parfois – qu’il « faut coder en anglais »1, remarque qui inclut souvent également « il faut commenter en anglais » et qui peut même aller jusqu’au plus général « on rédige toutes nos documentations en anglais »2.

Et c’est parfaitement justifié dans un nombre conséquent de cas : projets open-source avec contributeurs internationaux3, entreprise internationale avec des employés dont l’anglais est la seule langue commune, échanges avec des partenaires / prestataires / clients / fournisseurs dont la première langue n’est pas la notre et pour qui l’anglais est mieux que rien

This is my keyboard!
Photo par Klaus Friese sur Flickr, CC-BY-SA.

Oh, et puisque cet article est en partie le résultat de discussions avec lui, vous pouvez également lire cet article de <3 mon estimé collègue <3 ;-)


Mais l’anglais n’est pas non plus nécessairement la réponse ultime à tous les problèmes !

J’ai déjà eu des collègues qui n’arrivaient pas à aligner trois mots d’anglais, qui ne lisaient que des documentations et blogs en français, pour qui l’Internet se limitaient à des sites en français4. Oui, des développeurs en informatique, de ma tranche d’âge, y compris des BAC+5. Il n’est déjà pas toujours facile de recruter de bons développeurs, alors s’il faut en plus qu’ils soient également bons en anglais (et que le recruteur sache le vérifier5)… D’aucuns diraient qu’il est déjà difficile de trouver les « moutons à 5 pattes » que nombre d’annonces demandent, alors s’il faut une 6ème patte « 5 ans de pratique d’anglais international »…

Tout le monde n’est pas forcément bon6 en anglais : je tombe parfois sur des commentaires (ou des noms de méthodes ou variables) qui sont blindés d’erreurs ; parfois, au point de devoir passer par une traduction littérale anglais → français pour comprendre (par exemple, parce que des faux amis ont été utilisés7), ce qui casse un peu le principe de l’anglais utilisé comme langue de communication internationale !

Même pour ceux d’entre nous qui comprennent plutôt bien l’anglais, écrire ou parler de manière claire et compréhensible, en faisant passer les nuances qu’on avait à l’esprit8, peut être une tâche plus complexe9 !

Et j’ajouterais, pour terminer : j’ai déjà plusieurs fois eu des collègues / clients / relations qui commettaient régulièrement de nombreuses fautes graves en français, parfois au point de rendre leurs textes difficile à comprendre. Alors, le même genre de fautes en anglais ? Houla !


Et en allant un peu plus loin ?

Si vous travaillez principalement avec des français, y compris avec des équipes qui ne comprennent pas l’anglais10, que faites-vous ? Est-ce que vous passez du temps à maintenir vos documents en double anglais/français ? Et pour le code, alors ?

Si vous manipulez des notions métier très spécifiques, que toute votre entreprise et profession utilisent, comment faites-vous au niveau technique ? Vous employez les termes français ? Vous les traduisez et adoptez donc un vocabulaire différent de celui de tout le reste de l’entreprise – et ne vous comprennez donc plus entre collègues ni avec vos clients ? N’y-a-t’il d’ailleurs pas des riques que ces notions métier soient difficiles à traduire sans erreur ?

J’ai plusieurs fois travaillé avec des équipes localisées dans des pays où l’anglais n’est pas la seconde langue11. Même si l’anglais est retenu comme langue commune, quand les personnes avec qui vous êtes en relation écrivent dans leur langue natale et passent par Google Translate pour vous envoyer un texte en anglais12 (et inversement, pour essayer d’appréhender ce que vous leur envoyez en anglais), la compréhension n’est pas toujours facile !


Pour conclure : non, je n’ai pas de solution magique et oui, l’anglais est souvent la moins mauvaise approche lorsqu’on va être amené à bosser à l’internationnal.

Mais, dans un contexte franco-français, j’ai plus de doutes – tout en ayant conscience que, pour pas mal de métiers, nous sommes rarement limités à du franco-français pour le long terme et que tout faire en français pourrait revenir à se fermer des portes ou, du moins, à se dresser des barrières.

Quoi qu’il en soit, l’anglais n’est pas nécessairement la silver bullet que certains prétendent – et la question de la langue à retenir pour les échanges avec un nouvel interlocuteur mérite encore d’être posée !



  1. C’est un sujet qu’on retrouve jusque dans un des CommitStrip de cet été ;-) ↩︎

  2. Du moins, pour les documentations techniques. Pour les documents orientés utilisateurs, bien sûr, on cible leurs différentes langues. Et pour les documents orientés business, j’avoue me sentir moins concerné et ne pas tellement m’être demandé comment faisaient mes collègues. ↩︎

  3. Ou visant à avoir un jour des contributeurs internationaux, ou, du moins, à ne pas leur fermer la porte – ce qui est le cas de la quasi-totalité des projets OSS. ↩︎

  4. Et aux vidéos de chatons sur Youtube. Mais les vidéos de chatons, c’est universel ^^ ↩︎

  5. Je n’ai jamais eu personne qui me fasse pratiquer quoi que ce soit d’anglais lors d’un processus de recrutement, alors que mes collègues s’attendent à ce que je sache communiquer en anglais correct, par écrit et par oral. Et le score au TOEIC, c’est beaucoup plus de compréhension que d’expression. ↩︎

  6. J’entends par là un tout petit peu mieux que « capable de se faire presque comprendre »↩︎

  7. Utiliser des faux amis, ça arrive à tout le monde : je me souviens encore du regard horrifié de ma famille d’accueil en Angleterre, il y a bien 15 ans de cela, après une super journée à Londres, quand je leur ai affirmé que leur capitale était terrible ^^ ↩︎

  8. Si une portion de code source peut être pleine de subtiles nuances, il semble souvent logique qu’il en aille de même pour ses commentaires ou sa documentation. ↩︎

  9. J’arrive à suivre sans problème (sauf en cas d’accent vraiment difficile) des conférences en anglais, j’ai passé plusieurs mois en Angleterre, j’ai déjà animé une table ronde en anglais avec des intervenants de plusieurs nationalités, je ne regarde de films ou séries qu’en VO et sans sous-titres, mais j’ai toujours plus de mal à m’exprimer en anglais qu’en français, je fais parfois des fautes, des lourdeurs monstrueuses (certains d’entre vous pourraient confirmer ^^), … Je me souviens d’un américain me disant que j’écrivais anglais comme son grand-père, sur certaines tournures ! ↩︎

  10. Ce peut être par paresse, ou parce qu’ils ne souhaitent pas garantir leur bonne compréhension de vos documents… Ou parce qu’une partie de ses membres a étudié une autre langue que l’anglais pendant ses années collèges / lycée… Ou pour plein d’autres raisons, bonnes ou mauvaises. ↩︎

  11. Par exemple, en Afrique du Nord, avec beaucoup de français comme LV2 et anglais seulement comme LV3, ou en Europe de l’Est, avec du Russe comme LV2 et de l’anglais seulement comme langue 3 ou 4. ↩︎

  12. Des fois, ça se voit vraiment, le passage par Google Translate ^^ ↩︎