Redonner une conférence, combien de temps ça me prend ?

4 juillet 2022speaker, conference
 Cet article a été rédigé il y a plusieurs années et peut ne plus être tout à fait à jour…

J’étais à la conférence Sunny Tech, à Montpellier, vendredi : j’ai eu la chance d’y parler de « préparez et donnez votre premier talk », pour essayer d’encourager la prochaine génération à se lancer.

Pendant mon intervention, je préviens les futurs et futures speakeurs : préparer un talk, ça prend du temps !

Mon slide « Ça prend du temps »

Je précise même que préparer une conférence demande souvent 30 à 50 heures de travail, que c’est une durée moyenne fréquente pour des speakeurs qui commencent.

Cette fois, après ma présentation, une personne est venue me poser une question à laquelle je n’avais pas encore répondu en public : « et pour une conférence que tu as déjà faite, combien de temps ça prend de la redonner ? »

Et bien, voyons voir !


Attention à un biais : je connais très bien ce sujet1, cela fait bientôt deux ans que je le travaille et, avant Sunny Tech, j’étais déjà intervenu quatre fois2 avec ce titre « préparez et donnez votre premier talk » :

  • Octobre 2020 : un Last Friday Talk au boulot, ~25 minutes.
  • Novembre 2020 : un meetup incluant des discussions avec le public chez Software Crafters Lyon, ~2h (vidéo).
  • Novembre 2020 : un meetup chez AFUP Hauts de France, ~45 minutes (vidéo).
  • Avril 2022 : AWS Summit Paris, 50 minutes.
  • Et juillet 2022 : Sunny Tech, 20 minutes.

Les grandes idées de ces interventions sont similaires… Mais je n’ai pas redonné le même talk deux fois de suite et je le retravaille toujours pour l’adapter à chaque évènement.

Les deux plus grosses différences entre ces interventions ?
Le format et la durée.

  • Quand je n’ai qu’une vingtaine de minutes, je ne peux pas en dire autant qu’en une petite heure. Je supprime donc des idées, comme la section autour des conférences à distance, et des points plus ciblés, comme des exemples.
  • À distance, je diffuse parfois une vidéo présentant des configurations audio et vidéo. En présentiel, diffuser une vidéo est toujours risqué et souvent compliqué et je ne le fais donc pas – sur une intervention, j’ai montré quelques photos inspirées de l’extrait vidéo, sans l’audio.
  • Pour ma seconde intervention, les organisateurs souhaitaient un format interactif, où je discute avec le public. Pas facile à distance et sans le voir, donc nous avons trouvé un compromis : un moment d’échange entre chaque section de mon talk. Voilà pourquoi le meetup a duré deux heures.

Adapter le contenu et la durée, s’assurer que le message ne disparait pas et que le discours reste cohérent, c’est du travail, ça prend du temps.


Sunny Tech était il y a trois jours. Je me souviens encore très bien de la préparation de mon talk pour cette cinquième intervention et je peux donc répondre précisément à la question « et pour une conférence que tu as déjà faite, combien de temps ça prend de la redonner ? »

Je connaissais mon sujet. Je n’avais pas à chercher de nouveau contenu, puisque je ne disposais cette fois que de 20 minutes questions incluses – si je choisissais d’offrir au public la possibilité d’en poser. Je n’étais donc pas très inquiet et je savais que mon travail de préparation inclurait seulement deux choses :

  • Choisir quels contenus (= quelles idées) conserver et quoi supprimer, pour entrer dans le temps qui m’était accordé.
  • Répéter quelques fois, tant pour fluidifier mon discours (notamment autour des passages supprimés) que pour tenir mon timing.

J’ai commencé à travailler lundi3 pendant la pause midi. Je réouvert le deck de slides avec lequel j’avais bossé précédemment et j’ai commencé à supprimer des idées et du contenu jusqu’à arriver au cœur du message que je souhaitais transmettre, tout en visant à peu près vingt minutes. Ça m’a pris une petite heure. Ensuite, je me suis levé, j’ai projeté mes slides et fait une première répétition qui a duré 18 minutes et demie. Objectif de temps presque atteint, très bien. 1h30 de boulot lundi.

Mardi midi, pareil : retouches de contenu, réactivation et masquage de slides. En tenant compte de ce qui m’avait choqué en répétant la veille. Puis une nouvelle répétition : 20 minutes et 55 secondes. En parlant, j’ai identifié quelques passages un peu longs, qui n’apportaient pas de réelle valeur. Donc en les supprimant, ça devrait être pas mal. 1h de travail mardi.

Mercredi matin (je crois que c’était le matin, sinon le midi), la suite : à nouveau quelques retouches pour tenir compte de ce que j’avais noté la veille. En particulier, suppression de quelques lenteurs. Je crois que j’ai réactivé un slide qui manquait, aussi : je m’en étais rendu compte en parlant d’un point et en réalisant que je n’avais pas de support visuel. Puis nouvelle répétition : 19 minutes et 30 secondes, parfait. 45 minutes de boulot mercredi.

Jeudi soir, j’ai ajouté une photo dans mes slides : je l’utilise régulièrement comme illustration de « écrivez gros et utilisez moins de mots » et en répétant la veille, j’avais vu un endroit dans mon discours où elle aurait été parfaite. J’ai aussi passé tout mon deck en revue, à la recherche de fautes d’orthographe et d’incohérences de formatage. Et j’ai fait une dernière répétition : 19 minutes tout juste, parfait. 1h jeudi.

Vendredi midi, quelques heures à peine avant de monter sur scène, je me suis isolé en salle des speakeurs. Je ne suis pas vraiment d’humeur sociable avant de prendre la parole en public, je le sais, je n’essaye pas de forcer les choses : je préfère être en paix avec moi-même. J’ai refait une passe sur mes slides pour me calmer, je n’ai fait aucune modification de contenu4, j’ai retouché quelques micro-détails5 et ajouté quelques informations dans les notes du présentateur – pour m’aider à replonger dans le sujet plus facilement la prochaine fois et pour mon tout dernier slide, celui où je parle de mon livre, où je n’étais pas encore pleinement décidé sur les mots que j’allais prononcer. 1h30 vendredi midi. Et à 14h30, j’étais sur scène.

Au total, j’ai donc passé environ six heures pour préparation cette intervention.

Mais rappelez-vous que je partais d’un sujet que je connais très bien et à propos duquel j’avais déjà parlé quatre fois. J’y avais donc déjà passé plusieurs dizaines d’heures ! Et j’ai animé des ateliers et écrit un livre sur le sujet, ce qui représente des centaines d’heures de travail.


En préparant cette conférence, je n’ai effectué aucun changement d’ordre dans mes idées ni dans mes slides. Je n’ai effectué que des ajouts mineurs et beaucoup de suppressions : je suis passé de 45 minutes + 5 minutes de questions en avril à 20 minutes + discussions cette fois-ci.

Cela a joué sur le temps de préparation : je n’ai eu que peu d’enchainements à revoir, le flux logique du discours est resté le même !

J’étais satisfait après trois répétitions. J’en ai fait une quatrième le jeudi soir6, uniquement pour être en confiance et pour aller me coucher en sachant que tout se passerait très bien.


Une info marrante : j’ai projeté 58 slides pendant ma présentation7. Mon deck Keynote, en incluant les slides que j’avais masqués pour cette fois, en compte 118.

Une précision complémentaire : puisque mon sujet n’était pas directement lié à mon activité professionnelle, ces six heures de préparation sont toutes sur du temps personnel, pendant des pauses midi et soirées.

Pour la même raison, j’ai posé une journée de congés pour donner cette conférence. Et je suis parti de chez moi à 5h30 et j’y suis revenu à 20h30 – ce qui ajoute pas mal d’heures au temps de préparation et vous voudrez peut-être les compter aussi, dans votre cas ?


Source de l’illustration de cet article : Sabri Tuzcu sur Unsplash



  1. J’ai même écrit un livre : « Préparez et donnez votre première conférence (quand ce n’est pas votre métier) » et animé plusieurs fois des ateliers pour aider des speakeurs juniors à se lancer. ↩︎

  2. J’ai aussi proposé ce sujet en réponse à plusieurs autres CFP sur 2021 et 2022. Je l’ai donc toujours eu dans un coin de l’esprit, sans jamais vraiment avoir le temps de l’oublier. ↩︎

  3. Oui, cinq jours avant mon intervention : ici, pour ce sujet, je savais que ça irait, mais ne faites pas ça pour votre premier talk ! Rappelez-vous que je ne partais pas de zéro et que mon talk était presque prêt ! Sinon, j’aurais commencé des semaines plus tôt ! ↩︎

  4. Modifier le contenu d’un talk au dernier moment, c’est une très mauvaise idée ! ↩︎

  5. J’ai ajouté ou supprimé un mot ou deux ici et là, j’ai changé une ou deux couleurs de mise en évidence ailleurs. ↩︎

  6. Je conseille toujours aux speakeurs juniors que je mentore de ne pas travailler leur talk le dernier jour et de penser à autre chose. Facile à dire. Et c’est sans doute le conseil que je respecte le moins moi-même. Mais je sais pourquoi je le fais (pour me calmer et m’endormir plus facilement) et je ne modifie rien à ce moment-là ! ↩︎

  7. Pour moi, 58 slides en 19 minutes et demie est tout à fait normal : j’ai l’habitude de tourner à environ trois slides par minute – et un peu moins quand j’ai des slides qui contiennent des exemples, qui demandent souvent plus de temps pour être compris par le public. C’est ma façon, ce n’est pas forcément celle qui est adaptée pour vous ;-) ↩︎