Écrire m’a ouvert des portes
30 août 2022 —J’ai commencé à partager des textes sur Internet pendant le lycée, en 2000 ou 2001 : j’ai écrit le tutoriel en français pour apprendre à programmer en C pour calculatrices TI-89 et TI-92+.
Quelques mois plus tôt, quand j’avais découvert cet univers, les guides étaient rares et les documentations en anglais1. Peut-être que j’allais aider d’autres personnes à se lancer ?
Au fil des années, j’ai rencontré des dizaines de membres de cette communauté, nous avons passé plein de bons moments ensemble… Et j’ai entendu pas mal de fois « j’ai commencé avec ton tuto » ❤️
Aujourd’hui, on me demande régulièrement ce que écrire m’apporte, pourquoi je le fais.
Au-delà du fait que j’apprécie partager, que j’aime écrire, que je réfléchis en écrivant et que mettre mes pensées sur papier me force à les organiser et me donne une certaine clarté, écrire a sans aucun doute aussi eu des effets positifs sur ma carrière.
Ma vie professionnelle a démarré en 2006 : stage de fin d’études en janvier, premier CDI en aout.
J’ai commencé à bloguer en janvier, alors que je savais où mon stage allait bientôt débuter. C’était sans doute une façon de m’affirmer, de (me?) prouver une certaine légitimité. Ou d’essayer de la construire. Aussi, c’était la grande époque des blogs et chaque speaker que j’avais vu (et admiré), dans les rares conférences où j’avais pu aller, semblait avoir le sien !
Plus de 17 ans après, je continue à bloguer. Toujours au même endroit ! Certaines années, beaucoup. D’autres, moins. Ça varie selon mes envies, mon humeur et mes autres travaux d’écriture et le temps et l’énergie qu’ils me laissent.
Un peu plus d’un an après l’ouverture de ce blog, j’ai rédigé une longue série d’articles très détaillés sur les nouveautés de PHP 5.3, la prochaine version du langage de programmation que je manipulais au quotidien. Personne d’autre n’avait publié quoi que ce soit d’aussi complet, en français. Et puisque j’avais passé des heures à essayer chaque fonctionnalité, autant partager le fruit de mes découvertes !
Conséquence, quelques mois plus tard : j’ai été invité à donner une conférence au Forum PHP 2008 ! Sans en avoir proposé ! Un speaker s’était désisté et personne n’avait soumis de sujet à propos de PHP 5.3… J’étais la personne, dans la communauté, qui avait le plus partagé sur la question, je semblais le maitriser. Ma première conférence !
Le speaker qui allait parler en même temps que moi, sur l’autre track ? Cyril Pierre de Geyer. Avec qui j’ai fait connaissance et discuté pendant la conférence avant les nôtres.
Les années suivantes, j’ai continué à bloguer sur PHP, puis j’ai commencé à twitter de temps en temps.
Conséquence : plus de visibilité et de poids (de la légitimité ?). J’ai soumis des sujets aux Call for Papers de l’AFUP et j’ai donné d’autres conférences, rencontré de nouveaux membres de la communauté.
Et c’est une boucle de feedback positif : plus de monde croisé, des relations qui participent elles et eux aussi, des meetups, la création de l’antenne Lyon de l’AFUP…
Lors de ces occasions, j’ai fait connaissance avec plusieurs personnes qui allaient rapidement devenir mes collègues…
Par exemple, lors de l’apéro PHP la veille de mon entretien chez PMSIPilot, j’ai rencontré Geoffrey Bachelet, qui partait à l’étranger et dont j’allais occuper la place trois mois plus tard !
Ou, lors de quelques autres meetups, j’ai rencontré Eric D. Un ancien collègue quelques années plus tôt (il était à Paris, moi à Lyon, nous n’avons jamais été en contact, mais ça faisait un point commun), que je suivais aussi sur Twitter et que j’avais croisé en conférences plusieurs fois. Deux ans après l’apéro PHP plus haut, Eric m’a recruté chez TEA — suite à un DM Twitter au bon moment.
En parallèle, en 2013, j’ai écrit un livre en français sur le développement d’extensions PHP 5.
Là aussi, il n’existait quasiment aucun ouvrage sur le sujet. Seulement quelques pages sur Internet, pas structurées pour des débutants et n’allant jamais très loin. L’unique référence complète était le bouquin de Sara Golemon, qui commençait à dater. Et tout était en anglais.
Conséquence : à nouveau, une progression dans la communauté. Et avoir écrit un livre m’a donné le droit de dire « je suis un auteur » ! Et donc, plus de légitimité. Aussi, Julien Pauli, contributeur actif sur PHP à ce moment-là, a rédigé un chapitre de ce livre et m’a fait des retours sur tous les autres : nous avons travaillé ensemble, dans une certaine mesure, sur un premier projet.
Deux ou trois ans plus tard, j’étais coauteur de PHP 7 Avancé. Mon premier livre papier ! Aux éditions Eyrolles.
Ce livre, je l’ai co-écrit avec Cyril, rencontré des années plus tôt lors de ma toute première conférence au Forum PHP 2008 et avec Julien, qui m’avait aidé sur mon précédent !
Aussi, PHP 7 Avancé était la continuation des six éditions de PHP 5 Avancé, dont Eric, à ce moment-là mon manager et CTO, était coauteur. Et il a bien voulu que je prenne la suite, il a accepté de me transmettre la responsabilité de travailler sur un de ses bébés.
Conséquence ? En plus de la visibilité qu’apporte un livre papier chez un éditeur connu, j’ai commencé à donner des formations professionnelles — dans l’organisme de Cyril, mon coauteur. J’ai ainsi acquis de l’expérience en tant que formateur — et c’est super intéressant !
À ce moment-là, j’ai écrit quelques articles dans la presse informatique traditionnelle. Je l’avais aussi déjà fait quelques fois par le passé. Je n’ai pas vu de retour directement mesurable, mais c’est une expérience sympathique — et même si les revues papier sont moins importantes aujourd’hui, ça n’a sans doute pas fait de mal à mon image.
Fin 2016, j’ai déjeuné avec Olivier Mansour et Kenny Dits pour discuter d’un peut-être futur job. Je les avais déjà tous les deux croisés en conférences, Olivier avait été président de l’AFUP une année. Notre premier contact pour ce repas ? Un autre DM Twitter.
Quelques semaines plus tard, j’ai rencontré leur chef, le CTO de M6 Web, pour un poste de Lead sur un rôle DevOps un peu transverse. Pendant notre échange, il m’a demandé : « est-ce que tu transmets ton savoir ? »
J’ai pu répondre, avec des preuves, que j’écrivais des tutoriels et articles techniques depuis le lycée, que j’avais coécrit le livre de référence sur PHP 7 en français. Et que, la semaine suivante, j’animais une formation de quatre jours sur l’amélioration des performances de stacks LAMP, une problématique que ses équipes connaissaient bien — en citant plusieurs outils que je savais qu’elles utilisaient.
Dans ce nouveau job, j’ai continué à animer des conférences (et chaque intervention donne de la visibilité et aide à en donner d’autres) et j’ai écrit Le Plan Copenhague, un livre sur le projet qui m’a occupé pendant une paire d’années : notre migration vers Le Cloud, sur AWS et Kubernetes.
Conséquence : j’ai été nommé AWS Container Hero. Ce qui me donne accès à une communauté, à du savoir. Et n’est pas négatif non plus en termes de visibilité.
Je continue bien sûr à discuter avec des membres de mes communautés, que ce soit en meetups, en conférences, sur Twitter… Et je vais même parfois dans d’autres entreprises pour parler et partager des retours d’XP.
Conséquence : mon réseau continue à s’élargir, je connais des gens ici et là.
En 2017, après une petite dizaine d’années pendant lesquelles j’ai donné quelques conférences presque tous les ans, j’ai envisagé pouvoir peut-être apporter une chose de plus…
J’ai commencé par publier, sur mon blog, quelques articles de conseils à d’autres speakers.
À peu près au même moment, je suis devenu mentor de conférenciers et conférencières pour l’AFUP Lyon puis pour l’AFUP nationale : j’aide entre une et trois personnes tous les ans.
Petit à petit, j’ai réalisé que je disais beaucoup de choses similaires d’un mentorat au suivant, mais que mes idées, remarques et conseils n’arrivaient pas toujours dans un ordre bien défini ni très accessible. Donc, j’ai commencé à écrire quelque chose de plus structuré.
Résultat, en avril 2022, j’ai publié un livre : « Préparez et donnez votre première conférence (quand ce n’est pas votre métier) »
Je ne markète que peu ce livre et son public est très ciblé. Il ne va pas me rendre riche, c’est un peu encore un cadeau à la communauté. Cela dit, il aide à m’ouvrir des portes. En particulier, j’ai déjà donné plusieurs conférences autour du sujet et j’ai animé des ateliers pratiques dans des entreprises où bossent des gens qui me connaissent.
Toujours plus ?
Bien sûr, d’autres en font beaucoup plus que moi. Articles de blog toutes les semaines, parutions régulières dans la presse, podcasts, vidéos en ligne, un livre par an, plusieurs conférences tous les mois, tweets à n’en plus finir, interactions incessantes avec plein de monde partout et tout le temps…
Et c’est OK !
À chacun et chacune de faire ce qu’ils et elles veulent et peuvent. Et vous n’avez pas besoin d’écrire pour réussir votre vie ! Et ce n’est pas tellement le sujet de cet article ;-)
Si je publiais plus souvent, si je parlais plus de thèmes touchy ou si je rentrais un peu plus dans le lard des gens et de leurs idées, j’augmenterais sans doute mon audience. Mais ce n’est pas ma façon de vivre. Et empiler des scandales et des couches de polémiques, je ne pense pas que ce soit positif pour moi, pour mes communautés, ou même pour la société en général…
Pour en revenir à ce qu’écrire m’apporte, au-delà d’un mode de réflexion, d’un certain plaisir et d’une structure pour mes pensées : un peu de visibilité, une dose de reconnaissance, des contacts, des expériences. Assez probablement, un impact positif sur ma carrière.
Notez qu’écrire en lien avec la tech, en français et le plus souvent sans paywall, ça ne paye pas ou très peu — du moins, avec mon niveau d’implication. Et la visibilité, ça ne nourrit pas. Heureusement, j’ai un vrai boulot !
Mais des portes s’ouvrent, plus facilement, avec cette visibilité et avec des relations. C’est juste humain. Et j’en ai eu la preuve plusieurs fois.
Aussi, et ça mérite que je le note : j’ai la chance de ne pas trop subir d’effets négatifs de cette visibilité. En partie parce que je reste assez mesuré dans mes propos… Et peut-être aussi parce que je suis un mec blanc de 20 à 40 ans… Je sais que d’autres subissent plus de difficultés et ne peuvent partager sans être emmerdé(e)s… Et c’est très dommage :-/
Source de l’illustration de cet article : Green Chameleon sur Unsplash
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Au moins, j’ai progressé en anglais. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que cette langue, ces quelques heures de cours toutes les semaines, pouvait me servir à quelque chose dans la vie ! Et je me suis mis à pratiquer ! ↩︎