Le manque de sommeil, cette autre forme de dette
26 avril 2016 —En tant qu’individus et en tant que profession, nous avons trop souvent tendance à oublier les bienfaits de bonnes nuits de sommeil, ainsi que les effets néfastes de la fatigue sur notre productivité et sur la qualité de nos réalisations – ou sur notre santé !
Photo par Christopher Rodriguez sur Flickr, CC-BY-NC-ND.
Arriver au bureau fort tôt le matin, en n’ayant donc dormi que quelques heures, pour réaliser une mise en production majeure en évitant du down-time sur les heures « importantes » de la journée1, signifie :
- Qu’il faut avoir une équipe de taille suffisamment importante pour être en mesure de garder en réserve quelques personnes qui soient fraiches et disponibles en heures « normales » pour ensuite gérer les éventuels problèmes liés à cette mise en prod.
- Envoyer dormir2 ceux qui étaient là tôt – sinon, ils seront peu efficaces jusqu’à la fin de la semaine.
Ou alors, il faut accepter d’être sous-efficace pendant les jours suivants – ce qui peut être gênant si quelques imprévus surviennent suite à cette opération majeure3.
Commencer une mise en production à 22h après une journée de travail, qu’elle dure toute la nuit puis toute la journée4, et ensuite s’attendre à ce que les équipes soient opérationnelles le lendemain et jusqu’à la fin de la semaine ?
Il ne faut pas ensuite s’étonner s’il y en a un ou deux qui sont un peu ronchons en revenant au boulot à 9h après deux jours et une nuit au boulot sans dormir5, suivis seulement d’une courte nuit – sans avoir rien fait d’autre pendant pas loin de 48h que bosser et trop peu dormir !
Après ces cas sortant heureusement de l’ordinaire, passons à une idée trop classique : demander aux équipes de bosser de longues journées, de manière régulière et/ou pendant une longue durée6 ?
Cela signifie souvent qu’il y a un réel problème au niveau de la gestion du projet ou de la manière dont il a été vendu – et ça ne devrait carrément pas être aux équipes de développement de sacrifier leur santé et leur vie personnelle/familliale pour compenser !
J’ajouterais que, au bout d’un moment, la productivité baisse. Elle va même jusqu’à tomber plus bas que celle correspondant à des journées normales… Et il devient alors nécessaire d’aligner encore plus d’heures pour compenser. Et donc la productivité baisse à cause de la fatigue (et de la lassitude) et donc…
D’une certaine manière, travailler trop pendant quelques jours, c’est une forme d’investissement – et ne pas dormir assez et la fatigue qui s’accumule, c’est la dette correspondant. Dette qu’il faudra impérativement rembourser pour revenir à un bon niveau d’efficacité !
À l’inverse, c’est également à nous de savoir être raisonnables : arriver régulièrement au bureau en sachant à peine garder les yeux ouverts parce qu’on a joué à WOW7 ou regardé des séries jusqu’à 3h du matin, ce n’est pas très correct.
À mi-chemin entre la vie professionnelle et la vie personnelle, je pense également aux hackatons d’un week-end, où la tentation de dormir le moins possible peut être forte… Voire même où ne pas dormir est encouragé et considéré comme un acte héroïque… Alors qu’une bonne nuit de sommeil entre deux journées intenses fait tellement de bien !
Bien sûr, à chacun de connaître ses limites et de savoir de combien d’heures de sommeil par nuit il a besoin pour fonctionner. Mais ensuite, à lui de s’y tenir pour être en forme pour la journée !
Et, pour finir : oui, des fois, de temps en temps et occasionnellement, bosser / coder / écrire / jouer jusqu’à l’épuisement, ça peut être sympa aussi ;-)
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Les heures où une partie importante du CA de la journée se fait, ou les heures où un site down serait remarqué par les clients et utilisateurs – ce qui sont des définitions tout à fait valables de « heures importantes ». ↩︎
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Et qu’ils dorment, pas qu’ils aillent faire la fête toute la journée ! ↩︎
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Même si, bien sûr, nous savons tous qu’il n’y a jamais d’imprévus dans nos métiers ^^. ↩︎
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À la réflexion quelques années après et avec un peu plus d’expérience, nous aurions peut-être pu procéder autrement, de manière un peu plus souple (ou « agile »), pour peut-être réduire la durée de cette mise en production et éviter qu’elle ne dure près de 24h – en même temps, il s’agissait réellement d’une migration majeure, et pas d’un simple déploiement quotidien ;-) ↩︎
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Je garde néanmoins un fort bon souvenir de cette expérience : j’étais avec des collègues qui savaient ce qu’ils faisaient – et le sentiment d’accomplissement à la fin (ou le lendemain ^^) est tellement agréable ! ↩︎
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Quelques jours de rush de temps en temps, ça arrive, je n’ai pas de problème avec ça. Mais quand ça se transforme en tous les jours pendant plusieurs semaines, ça me chagrine un peu plus ;-) ↩︎
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Ou à un autre jeu à la mode en ce moment : je n’ai jamais tellement joué et je ne suis plus réellement au fait des jeux qui occupent les soirées de certains d’entre nous, à présent. Mais ça vaut aussi pour coder la moitié de la nuit ;-) ↩︎